MI-YITTAN L'hébreu biblique, comme la majorité des langues, est truffé
de locutions, de mots ou d'expressions qui signifient des choses différentes
de ce qu'elles expriment immédiatement. Par exemple, mi-yittan, mot
composé de deux mots en hébreu : MI " qui ? " et
yittan, qui signifie " donnera. " Ainsi donc, nous avons
: " qui donnera ? " mi, qui correspond à l'interrogatif. Dans la Bible juive, cette expression rend l'idée d'un souhait,
d'un désir, de quelqu'un qui veut vraiment quelque chose. Par exemple, après leur départ d'Egypte, les enfants d'Israël,
face aux défis du désert, se sont exclamés : "
Si seulement le Seigneur nous avait fait mourir en Egypte!
" (Ex 16.3, BFC.) L'expression " si seulement " vient
de mi-yittan. Dans le Psaume
14, au verset 7, David s'écrie : "Ah ! Si de Sion venait
le salut d'Israël ! " L'hébreu ne dit pas "Ah!
", il dit " mi-yittan ". Dans Job
6.8, quand Job s'écrie : " Ah ! Si ma demande était
exaucée ". "Ah ! " vient de mi-yittan. On trouve un autre exemple de cela, cette fois dans Deutéronome
5.29. En se remémorant l'histoire des providences de Dieu, Moïse
rappelle aux enfants d'Israël leur demande : lui, Moïse, devait
parler au Seigneur pour eux, de peur qu'ils ne meurent. D'après Moïse,
Ie Seigneur, satisfait de leur demande, a alors déclaré: "
Ah ! S'ils avaient toujours ce même cur pour me craindre
et pour observer tous mes commandements. " Le mot traduit par " ah ! " ? Oui, il s'agit bien de mi-yittan.
Incroyable ! Voila le Seigneur, le Dieu Créateur, celui qui a fait
l'espace, le temps et la matière, celui qui a fait exister notre monde
par la Parole, celui qui a insufflé a Adam le souffle de vie, le voici
qui prononce une expression généralement associée aux
faiblesses et aux limites de l'humanité. Voila la réalité du libre arbitre. Voilà les limites
de ce que Dieu peut faire en plein grand conflit. Cet emploi de mi-yittan
révèle que même Dieu ne piétine pas le libre arbitre
(car au moment où il le ferait, nous ne serions plus libres). Aucun livre de l'Ancien Testament ne révèle plus profondément
la réalité du souhait de Dieu que les humains lui obéissent,
ainsi que la tendance humaine à lui désobéir, que le
livre de Jérémie, sujet d'étude de ce trimestre. Rédigé
dans le contexte de changements géopolitiques importants dans le Proche-Orient
ancien, le livre de Jérémie raconte le ministère et
le message du prophète, qui prêchait avec passion et fidélité
le message de Dieu a un peuple qui, pour la majeure partie, ne voulait pas
l'entendre. Le livre s'ouvre sur la vocation du prophète, et nous emmène
à travers des décennies d'histoire biblique alors que le Seigneur
se servait de ce jeune (puis vieil) homme pour proclamer les vérités
essentielles qui sont la fondation du message biblique depuis le commencement.
De toutes ces vérités spirituelles enseignées dans le
livre, ces paroles résument l'essence de ce que le Seigneur demande
de son peuple : " Mais que celui qui veut éprouver de la
fierté mette sa fierté dans ceci : le fait d'avoir du discernement
et de me connaitre. En effet, c'est moi, l'Eternel, qui exerce la bonté,
le droit et la justice sur la terre. Oui, c'est cela qui me fait plaisir,
déclare l'Eternel. " (Jr 9.23, 24, Segond 21.) Lire le livre de Jérémie, c'est s'embarquer pour un voyage,
un voyage spirituel fait d'allers-retours entre les plus viles profondeurs
de la dépravation humaine et les sommets de la majesté du Seigneur,
ce Seigneur qui, depuis ces sommets, nous crie à tous, même
dans notre déchéance : " Mi-yittan, si tu avais toujours
ce même cur ! ". Imre Tokics est responsable du Département d'Ancien Testament
à l'Université adventiste de théologie, à Pécel,
en Hongrie. Il est professeur d'Ancien Testament et de Sciences Religieuses
Juives, et il a également un Doctorat de droit.
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